Silver && Grymm
« La patience est une vertu qui s'acquiert avec de la patience... »


Le soleil commençait lentement à se coucher, disparaissant sous la cime des arbres de la Forêt Interdite. Il devait être aux alentours de quinze heures et la plupart des étudiants étaient encore en cours, écoutant avidement leur professeur afin d'acquérir de nouvelles connaissances. Certains élèves étaient plus studieux que d'autres et tandis que quelques uns d'entre eux étaient concentrés sur le cours qu'ils suivaient, accrochés aux lèvres de leur enseignant, d'autres papotaient tranquillement dans le fond de la classe en tentant vainement de se faire discrets. C'était peine perdue, bien entendu, et les élèves en questions faisaient toujours perdre des points à leur maison, s'attirant les regards noirs de leurs condisciples et les remarques sanglantes de sorciers chargés de leur éducation magique. La plupart se moquaient des reproches faites à leur encontre et, grand bien leur fasse, ne se formalisaient pas de la dizaine de points en moins que les grands sabliers se hâtaient d'enlever. Silver Oliver Dawson, Serpentard de sixième année et Batteur de l'équipe des verts argents, exécraient les élèves de ce genre. Ils les trouvaient inintéressants, gaspillant ainsi le précieux temps de ceux qui désiraient apprendre, et ne se gênait pas pour leur expliquer bien en face son avis sur leur comportement, parfois à grand renfort de baguette. Et ce à la fin des dits cours, comme il se doit. Le jeune homme avait toujours eu des facilités en ce qui concernait l'apprentissage des matières enseignées à l'école de sorcellerie Poudlard ainsi que dans d'autres domaines divers et variés. Il mettait cela sur le compte de l'éducation qu'il avait reçu ainsi que sur son sang qui était, soit dit en passant, pur. Le brun se considérait comme beau - ce qu'il était indéniablement, d'après ses dires - et ne pouvait passer une journée sans admirer son corps d'Apollon au moins une fois.Il était d'un narcissisme surprenant et sa fierté n'en n'était pas moins gonflée que ses chevilles, à ce sujet. Il ne se vantait pas à tort et à travers comme beaucoup semblait le croire mais le Serpentard était seulement conscient de ce qu'il valait, ainsi que de ses faiblesses et de ses points forts. Il était beau, riche, intelligent, avait le sang pur, et il aspirait à toujours se surpasser. Il était certain que l'on pouvait toujours aller au-delà de ses limites, qu'il suffisait d'un peu de patience et de méthode, et qu'une fois parvenue à franchir la ligne, le résultat en valait la peine. Certaines langues un peu trop déliées à son goût le traitaient de snobe, ils avaient peut-être raison. Certains sorciers jaloux le disaient bellâtre sans cervelle, il s'en contrefichait. Ce qu'il savait, par ailleurs, était qu'il irait bien plus loin que tous ses hommes et toutes ses femmes qui jasaient derrière son dos en feintant l'admiration devant lui. Il n'avait que faire de tous ces crétins, de toutes ces mégères en mal d'amour. Il était lui-même et il s'aimait ainsi, quoiqu'en pense quelques minables tout juste bon à jeter un Stupefix.

En tous les cas, le jeune Silver avait à présent terminé ses cours de la journée et ses devoirs étaient bien rangés dans son sac, réalisés en avance, comme à son habitude. Il n'avait pas, comme beaucoup, la maladie de la procrastination et il effectuait toujours ses tâches le jour-même où il les recevait. Un excès de sérieux ? Non, simplement une question de méthode. Rien ne servait de toujours remettre au lendemain ce que l'on pouvait faire le jour-même. Tel était l'état de pensée actuel du Serpentard qui se dirigeait tranquillement vers les Toilettes Abandonnées. Pourquoi ce lieu ? Parce que personne n'y allait jamais, hormis quelques jeunes filles en pleurs venant de se faire larguer et ce stupide fantôme égocentrique et susceptible. Silver y était heureusement passé, dans la matinée, afin de vérifier que la demoiselle assassinée jadis n'y était pas et à son grand soulagement, il n'avait croisé personne. Mimi Geignarde devait probablement nager dans le Lac de Poudlard, en ce moment-même et les demoiselles s'y aventurant n'étaient que trop rares. Poussant le battant de la porte, le beau brun entra dans la grande pièce illuminée par les derniers rayons de soleil. Il n'y avait personne, comme convenu, et il pouvait donc s'adonner à ce qu'il avait prévu sans être dérangé. Déposant son sac dans le coin le moins poussiéreux, Silver retira sa robe de sorcier et la plia soigneusement à côté dudit sac. Il était vêtu d'un jean noir et le tee-shirt qu'il portait était également noir, les manches coupées au niveau de ses coudes. Ses chaussures étaient de la même couleur que ses autres vêtements et le jeune homme se baissa afin de sortir sa baguette qu'il plaçait toujours entre sa chaussette - devinez la couleur - et son mollet. Elle était ainsi coincée par sa chaussure et par le tissue noir et ne pouvait s'en décrocher, à moins que Silver ne l'enlève lui-même. Cet endroit était bien pratique, selon lui, car peu de sorciers iraient chercher jusque là pour la lui subtiliser et il pouvait également s'en saisir en un rien de temps. Se plaçant au milieu de la salle, prenant bien garde que la porte était fermée - inutile de la verrouiller d'un sort, personne ne venait jamais - Silver commença donc son entrainement. Il avait prévu de prendre un peu d'avance sur le programme scolaire et avait jeté son dévolu sur le Patronus. Il avait déjà tenté de le faire, quelquefois, mais n'était parvenu qu'à obtenir une fumée blanchâtre n'ayant pas réellement de forme. La seule et unique fois où le jeune homme y était parvenu, c'était lors d'un défi avec un Serpentard plus âgé et, sous le coup des moquerie de son ainé, imaginant le regard fier de son père s'il arrivait à créer un Patronus, le jeune homme avait vu sortir de sa baguette un renard. Le plus âgé avait perdu toute sa superbe et Silver avait été trop heureux d'avoir fait apparaître un Patronus qu'il n'avait pas tenu rigueur le sorcier de ses moqueries passées. Il n'était malheureusement jamais parvenu à reproduire ce petit prodige et il comptait bien tout faire pour y arriver rapidement.

Les bras le long de son corps, Silver se concentra sur ses souvenirs. Il avait lu qu'il devait en choisir un particulièrement heureux. Fermant les yeux, il laissa son esprit vagabonder, partant à la recherche d'un heureux évènement. Il y avait bien le jour où il avait été choisi en tant que Batteur dans l'équipe de Quidditch mais il ne pensait pas que cela conviendrait, alors il se replongea dans une intense réflexion. Après plusieurs minutes de silence absolu, le jeune homme rouvrit les yeux, pensant tenir le souvenir suffisamment puissant pour le sortilège ardu. Il leva le bras droit et tendit sa baguette magique devant lui, son souvenir défilant devant ses yeux. Le Serpentard avait choisi d'utiliser la première fois où son père l'avait couvé d'un regard fier, lorsqu'il avait cinq ans. Le petit garçon qu'il était à l'époque venait tout juste d'user de magie accidentelle pour la première fois de sa courte vie. Il courait dans le jardin du domaine des Dawson, qui ressemblait plus à un petit parc qu'un à jardin, et sous le regard de Aaron Cillian Dawson, son père, Silver venait de brûler accidentellement, sous l'effet de la colère, l'arbre se trouvant en face de lui. Le tronc avait soudainement pris feu alors que le petit garçon avait trébuché sur une branche déracinée et s'était avachi tout sauf dignement sur le sol. Stupéfait, le gamin s'était tourné vers son père, visiblement effrayé quant à la réaction qu'il l'aurait, lorsqu'il avisa le regard chargé de fierté de son géniteur. Un sentiment de bien-être étreignit alors son petit coeur et quelque chose lui réchauffa la poitrine, et lorsque l'homme s'avança vers lui de sa démarche impérieuse, s'arrêtant devant son fils, et qu'il lui passa une main dans les cheveux, Silver sut alors qu'il ferait tout pour revoir encore et encore ce regard dirigé vers lui. Un sourire bienheureux barrant son visage pâle, le Serpentard incanta :

« Spero Patronum. »

Une sorte de fumée blanche s'échappa de la baguette du jeune homme, sans pour autant prendre la forme d'un renard ou d'un quelconque animal. Cette première fois fut un échec, mais Silver ne se découragea pas. C'était avec de l'huile de coude et de la patience que l'on parvenait à ses fins, c'était bien connu. Il replongea dans son souvenir, s'y immergeant totalement, s'imprégnant du bonheur ressenti sur le moment, et il retenta, murmurant distinctement la formule. La fumée se fit plus compacte mais rien de bien fructueux. Il continua néanmoins, essayant sans relâche, refusant de changer de souvenir, se concentrant autant qu'il le pouvait. Bientôt des gouttes de sueurs commencèrent à perler sur son front et il les essuya d'un mouvement du poignet. Une heure passa, puis deux. La fumée s'était transformée, durant ses deux heures, en quelques chose ressemblant vaguement à un animal mais on ne parvenait pas encore à distinguer le renard de la dernière fois. Silver attendit cette fois une dizaine de minutes avant de retenter le coup, ne désirant pas s'acharner inutilement à la tâche, et pointa sa baguette encore une fois droit devant lui. Il articula les mots tant murmurés en cette fin d'après-midi :

« Spero Patronum. »

Et cette fois, il le vit. Un renard. Magnifique, les oreilles bien droites, le regard profond. S'il n'était pas d'un blanc translucide, Silver aurait juré que c'en était un vrai. Il s'agenouilla sur le sol, croisant le regard de la bête, et un sourire victorieux fendit son visage. Il avait réussi. Une minute s'écoula ainsi, le Serpentard observant l'animal, avant qu'il ne se décide à le faire disparaitre. Il ferma les yeux et recommença à incanter, le calme s'étant fait en lui. Il réussit une seconde fois. Rangeant sa baguette dans sa chaussette, Silver avança jusqu'à un évier duquel il fit couler de l'eau froide. Il s'aspergea le visage et en avala quelques gorgées avant de se reculer, le miroir reflétant son sourire béat. Il y était parvenu. Pour de vrai.