Ma mère a quitté la Finlande à l'âge de 21 ans pour s'installer à Londres. C'était un rêve pour elle, vivre à Londres. Alors elle a pris toutes ses économies, et elle s'est barrée dans cette ville de merde qui l'a goûtée et mâchouillée avant de la recracher, une fois tout rêve d'avenir et tout espoir de s'en sortir disparu. Je crois qu'elle a rencontré mon géniteur un an après son arrivée. C'était un mec cool, apparemment, complètement déjanté. Elle en est tombée raide dingue amoureuse, et il lui a fait un gosse, sans faire exprès. Alors il s'est barré, parce que un gosse à 23 ans, c'était pas vraiment le top, parce qu'il était hors de question d'élever un môme alors qu'il préférait fumer des joints plutôt que de chercher un taff. Quand ma mère en parle, elle a de la rancœur dans la voix, moi, je le comprends tout à fait. Je pense même que mon père était le plus lucide des deux ; on ne fait pas un gosse quand on a pas de thune pour s'en occuper. Mais ma mère a décidé de me garder. Quelle conne.

Je suis venu au monde neuf mois plus tard, et je n'étais rien d'autre qu'une charge, un poids pour ma mère. Comment allait-elle me nourrir ? Réussirait-elle à bien m'élever ? Elle perdit son boulot, on ne voulait pas d'une serveuse qui devait s'occuper de son gosse entre deux services. Elle se retrouva alors dans l'obligation de vendre son appartement. C'est un coup de chance qui nous empêcha de vivre dans la rue, car elle rencontra une jeune femme du nom de Suzie, qui possédait un appartement qui tenait lieu de squat pour quelques filles dans la même situation que ma mère. Ma mère n'avait plus le choix, on alla vivre là-bas, avec Suzie, Edith, Mary et son gosse Jim. Rebuts de la société, rats d'égouts que les autres personnes se plaisaient à ignorer...

WE USED TO SURVIVE

Jukka fit un bond et poussa un cri de stupeur lorsque la chouette se posa à quelques centimètres de lui. Il l'observa, mi-craintif, mi-curieux, tandis que l'animal s'approchait un peu plus, l'air... agacé. Le garçon remarqua alors la lettre que tenait la chouette entre ses serres. Alors là, c'était vraiment n'importe quoi... il fit un geste pour s'en emparer, et la bestiole le laissa faire, comme si c'était tout à fait normal. Jukka écarquilla les yeux en voyant que la lettre était pour lui. Il l'ouvrit presque timidement et commença à lire, se demandant si l'on se foutait de lui, ou si c'était la vérité. C'était n'importe quoi ! Bon, d'accord, Eddy McLear s'était retrouvé avec des furoncles sur tout le visage un jour où il avait frappé Jim, mais ça ne voulait rien dire... c'était des conneries tout ça, non ?
Complètement perdu, le jeune garçon monta les escaliers qui le menaient à l'appartement miteux où il habitait, ses yeux rivés sur le bout de parchemin. Une fois en haut, il poussa la porte du squat et entra dans ce qui ressemblait le plus à un salon.
« M'man, j'ai reçu un truc bizarre, tu devrais regarder... M'man ? »
N'obtenant aucune réponse, le garçon leva les yeux et regarda autour de lui. Personne. Elle ne travaillait pourtant pas, aujourd'hui. Jukka fronça les sourcils, et alla jusque dans la chambre de sa mère.
« Maman ? » appela-t-il, agacé de ne pas obtenir de réponse. Silence total. Il poussa un juron et fit le tour de l'appartement, sans rien trouver. Puis, un détail attira son attention. La trappe au plafond qui menait à un espèce de grenier était encore ouverte. Peut-être était-elle là-haut ? Jukka avait entendu sa mère parler avec celle de Jim de réaménager le haut, afin d'agrandir ce squat minable, maintenant qu'ils avaient réussi à faire quelques économies. Un sourire aux lèvres, le garçon se mit en-dessous de la trappe.
« Maman ? J'sais que t'es là-haut. Dis, tu pourrais me descendre l'échelle ? J'ai un truc à te montrer ! »
Aucune réponse. Clairement énervé, le garçon tapa du pied sur le sol, et aussitôt, l'échelle glissa et tomba devant lui. Jukka poussa un cri, effrayé, et regarda l'objet comme s'il était possédé. Peut-être qu'ils ne se trompaient pas, finalement... Il plaça l'échelle et monta, tenant sa lettre entre ses dents. Une fois en haut, il toussa, à cause de la poussière, et plissa les yeux, essayant de voir quelque chose dans l'obscurité.

Là, son sang se glaça.

Sa mère était juste là, en face de lui. Le menton appuyé sur la poitrine, masquant ainsi la corde qui encerclait son cou. Les pieds dans le vide. Jukka lâcha la lettre qu'il tenait entre ses doigts.

« Cher Mr Heinonen,
Nous avons le plaisir de vous informer que vous bénéficiez d’ores et déjà d’une inscription au collège Poudlard. Vous… »

HE IS MY BRO'

Jukka grimaça, tandis que l'aiguille s'enfonçait une nouvelle fois sous sa peau, afin d'y faire passer l'encre noire, qui acheva le tatouage. Il regarda Jim, qui esquissa un sourire satisfait, avant de commencer à nettoyer et ranger son matériel. L'adolescent se redressa et admira son bras dans le miroir qui se trouvait en face de lui, souriant à son tour.
« La classe, Jim, tu t’améliores vraiment, » dit-il en sortant son paquet de clopes. Il en glissa une entre ses lèvres et en donna une autre à son meilleur ami.
« Ouais, je sais. J’commence à me faire un bon paquet de blé, maintenant. Faut bien que je m’occupe, pendant que t’es dans ton école chelou. »
Jukka rit légèrement avant d'allumer sa cigarette. Il tira longuement dessus.
« Et sinon, ça se passe comment dans ta famille de magiciens, là ? »
« Les Hawkright ? Ça va, ils sont cool. Mais on se parle pas trop. C'est un couple de vieux, ils ne font que me payer mes études et m'héberger pendant les vacances. Et encore, j'les passe plus ici que là-bas... »
« Ça fait bizarre de plus t'avoir ici. Mais bon, t'as l'air de tenir le coup, après tout, » dit Jim avec un sourire avant de sortir un sachet transparent rempli d'une poudre blanche que Jukka regarda d'un mauvais œil.
« T'en prends de plus en plus, en ce moment... »
Jim haussa les épaules et déversa un peu de poudre sur le dos de sa main, avant de la porter à son nez et d'inspirer d'un coup. Il ferma les yeux, puis esquissa un sourire. Jukka grimaça, guère enchanté par ce spectacle. Il était loin d'être tout blanc, après tout, il profitait de la moindre occasion pour boire et se droguer, même à Poudlard, mais il n'avait jamais dépassé le stade du joint et du LSD, pris de temps en temps. Ce n'était pas avec ça qu'on devenait accroc. Mais depuis maintenant trois ans, Jim se droguait à la coke et à l'héroïne. Jukka ne pouvait pas s'empêcher de flipper un peu. C'était mauvais, ces saloperies, et le comportement de son meilleur ami s'en était retrouvé clairement affecté.
Il soupira et s'empara de la guitare à côté de lui, afin d'entamer un morceau de Motörhead. Jim se rapprocha alors de lui, et posa sa tête sur son épaule, les yeux clos.
« J'aimerais bien avoir des pouvoirs magiques, moi aussi. J'pourrais me casser d'ici. »
Jukka s'arrêta et pencha la tête, afin de regarder son ami. Il glissa doucement ses doigts dans ses cheveux, et déposa un baiser sur son front.
« T'inquiètes pas, j'reviendrai pour les vacances d'Halloween. »

YOU'RE ALONE, NOW

J'suis jamais revenu. Pas besoin, Jim est mort d'une overdose deux semaines après que je sois retourné à Poudlard. Chienne de vie. La magie m'aura éloigné du trou pourri où je vivais, et je peux la remercier pour cela. Mais à coté de ça, elle m'a pris tout ce qui comptait à mes yeux. Ma passion pour la guitare - je ne peux pas en jouer à Poudlard, aucun appareil moldu de fonctionne là-bas - et mon meilleur ami.