Tu descends les marches, le sourire aux lèvres. Ce sourire ne te quitte jamais. Il est la preuve de ta bonne camaraderie. On t’arrête, on t’effleure, on te parle en riant, l’espace d’une marche. Tu réponds à demi-mot. Tu es le bon copain. Celui qu’on se plait à fréquenter, celui dont les paroles valent de l’or par leurs justesses et par le plaisir qu’elles procurent. Tu sais manier les mots. Tu parviens à nous toucher, à nous émouvoir, à nous faire rire en quelques métaphores bien senties et par quelques vérités. On te frôle, on t’aborde, on te salue. On recherche ta présence comme le tournesol cherche le soleil. Tu as la capacité d’illuminer la journée de quelqu’un. On gravite autour de toi pour ça. Pour le sentiment d’être réellement unique et important lorsque ton regard daigne se poser sur nos frêles silhouettes en manque de reconnaissance soudaine. Cette sensation de compter à tes yeux est grisante. Pourtant, avant, on évitait de te regarder. Ou tout simplement, tu n’existais pas. Que de changements. Que reste t’il du Heathcliff des premières années ? Quasiment rien. Cette période sombre et quelque peu dérangée à disparue. Exit l’isolement, les moqueries, le style étrange. Regarde ce que tu es devenu. Tu as désormais dix-huit ans et tu es le centre de ton propre système solaire. On gravite autour de toi sans jamais parvenir à t’atteindre véritablement. Il y a bien quelques exceptions, ces personnes qu’on pourrait comparer commodément à tes planètes. Mais en dehors de cela, le néant. Tu souris, déploie ta gentillesse, ta dérision mais rien de plus. On croit voir ta véritable face mais en réalité tu te préserves. Mais de quoi ? De qui, Heathcliff ? Tes premières années ont-elles été si terribles pour que tu puisses changer à ce point ? Les gens croient t’avoir vu évoluer sainement, passant du garçon étrange au jeune homme populaire. Mensonge. Ce n’est qu’une mascarade, un artifice parfait que tu dévoiles au monde, leur égocentrisme les rendant complètement aveugles. Tu n’as pas changé positivement, Heathcliff, je le vois. Tu aurais pu te libérer de ce poids que tu sembles porter sur tes épaules constamment. Mais pour cela, tu aurais été à Gryffondor il y a maintenant huit années. Car il te manque cette part d’impulsivité qui t’aurait permis de briser ces chaines qui t’entravent. Pourtant, tu es impulsif, quand tu le souhaite réellement. Regarde ce sourire vainqueur que tu abordes, perdu dans tes pensées. Le seul moment où tu laisses apercevoir un brin de supériorité. C’est si simple à deviner. Cette fois-ci, tu as remporté ce duel de langue et de sortilèges. Il n’y a qu’un seul être au sein de ce château qui parvient à te sortir de tes gonds. Melvin. C’est viscéral. Une envie irrépressible qui te prend aux tripes dès que tu le vois. Les points ne se comptent plus depuis le temps que vous menez cette guerre infantile et puérile. Et pourtant, pour rien au monde tu n’arrêterais ça, n’est-ce pas ? Après tout, pourquoi se priver de petits plaisirs personnels ? Car tu es aussi ça, Heathcliff : un brin égoïste. Tu es fils unique d’une lignée pourtant réputée pour sa fertilité. Ton éducation t’a fait jouir de certains privilèges que tes cousins et cousines n’ont pas forcément eus. Certes, tu as l’âme portée vers la famille et les relations, n’empêche qu’il en ressort un léger narcissisme. Je ne t’en blâme point, loin de là. Après tout, sans ce trait de caractère, tu ne serais pas le Heathcliff que je vois descendre les escaliers. Sans cette capacité à te valoriser, tu ne serais pas le bon ami de tout le monde. Car les gens papillonnent autour de modèles purs et parfaits. Tu es le modèle même de l’élève de Poufsouffle : juste, loyal, bienveillant. Incontestablement, certaines parts d’ombres persistent, mais qui n’en a pas de nos jours ?