En adressant un sourire charmeur et des paroles polies à la bibliothécaire, Lukas entra, et s’assit à une des tables. Faire bonne impression, il savait très bien le faire et sûrement, personne n’aurait pu l’égaler dans ce domaine-ci. Pendant plusieurs mois, d’ailleurs, il n’avait cessé de venir étudier à la bibliothèque et d’exhiber son potentiel d’intelligence. Et évidement, toute cette mascarade avait été payante puisqu’il il avait désormais – mêlées à ses diverses clés – celles de la bibliothèque. « Vous pourrez y venir à n’importe quelle heure, Monsieur Hansen» avait affirmé la bibliothécaire, en lui tapotant amicalement l’épaule, ce à quoi Lukas avait répondu - sur un air faussement gêné - que l’on n’aurait pu lui faire meilleur cadeau. Oui, mentir c’était mal mais, n’était-ce donc pas pour la bonne cause ? Oh que si. L’avantage d’avoir les clés de cet empire était non seulement, que l’on pouvait y travailler à n’importe quelle heure (ainsi on pouvait éviter la foule quotidienne) mais aussi, que l’on pouvait transformer l’endroit en un lieu de rendez-vous, sans craindre que personne ne nous découvre.

Ainsi, Lukas avait envoyé une missive à Dolceane, lui proposant de le rejoindre vers 19h15 (heure de fermeture) à la bibliothèque, dans le simple but d’avoir une discussion. Elle n’avait pas répondu et, Lukas ignorait si oui ou non, elle viendrait. Parce qu’il fallait le savoir : Dolceane était une jeune fille pure et innocente. Se donner rendez-vous à une heure pareille, c’était sûrement péché et, encore plus étant donné qu’ils n’en avaient pas le droit. Seulement là, elle devait comprendre l’importance de la chose. Oh oui, car rien n’allait plus, entre eux deux. Depuis quelques temps déjà, Lukas faisait preuve d’une retenue extrême lorsqu’il la voyait, car oui, il la trouvait belle et attachante, originale et touchante. Était-il amoureux ? Sûrement pas. Seulement, quelque chose se passait en lui, lorsqu’il la voyait ou qu’il l’entendait. Comme si qu’une attraction s’exerçait sur lui. Il ne paniquait pas mais, y pensait souvent.

Dans un soupir, il quitta ses pensés, les raisons de sa présence ici et, sortit un parchemin. Il fallait qu’il travaille. Ou du moins, qu’il le simule devant la bibliothécaire. Il ne l’aimait pas trop mais, assez pour passer plusieurs heures à sa proximité. Il détestait, la façon dont elle dévisageait chaque personne, à travers ses lunettes rondes, celle avec laquelle elle remettait son chignon blanc en place, il haïssait l’expression qu’elle avait, lorsque, dans sa barbe elle murmurait quelques paroles inaudibles à l’intention des personnes qui faisaient du bruit. Mais il fallait l’avouer, il adorait et, il aimait la manière dont son visage s’illuminait, lorsqu’elle le voyait, ses traits se tiraient en un sourire chaleureux et ses yeux se plissaient. Il lui disait bonjour et elle, lui répondait qu’il était d’un grand esprit. Ca en était presque jouissif, pour le serpentard. Son égo en redemandait même.
La vieille dame vint jusqu’à lui, pour lui annoncer la fermeture.

« Monsieur Hansen, je m’en vais. La bibliothèque ferme. Au revoir et, travaillez bien. Je laisse la porte ouverte»

Lukas murumura un vague ‘merci’ et lui adressa un sourire. Elle tourna les talons, et s’en alla. 19h13.
Une seule question, à présent trottait dans l’esprit vif du serpentard. Est-ce que oui ou non, Dolceane allait venir ? Il l’espérait, plus que tout. «s’il te plait, dolce, ne me laisse pas tomber» murmura-t-il en levant les yeux, et en approchant ses mains l’une de l’autre, à la manière dont on prie. Il aurait accepté n’importe quel autre jour, qu’elle lui pose un lapin seulement ce jour-là, il ne le fallait pas. Non non non. D’ailleurs, il lui en voudrait sûrement éternellement, si elle ne se montrait pas. Hansen poussa un soupir, Dolceane n’était pas sûre et, il en était exténué. Pourquoi avait-elle de tels comportements ? Il l’ignorait mais, ne pouvait pas lui en vouloir. Néanmoins, c’était clair net et précis, si dans dix minutes, elle n’arrivait pas, il partirait. Pleins de regrets, certes, mais c’était comme ça.

19h18. Là, c’était sûr, indéniable et certain. Dolceane ne viendrait pas.

Lukas poussa un soupir. C’est désespéré, qu’il était. Pourquoi fallait-il toujours que, les choses faciles se transforment en choses complexes, avec elle ? Il l’ignorait. Et justement ! Sûrement l’aurait-il découvert, si elle était venue. Car oui, aujourd’hui plus que les autres jours, il voulait des explications et, entre autre, savoir pourquoi ! Oui, pourquoi ces derniers semaines avaient-elles été si bizarres ? Pourquoi leurs discutions étaient inintéressantes (il fallait l’avouer) et emplies de silences gênés ? Pourquoi rien n’était comme auparavant ? Tout avait tellement changé. Oh que oui, dans le passé et, aussi loin que puissent remonter les souvenirs de Lukas, les deux étaient proches, riaient, jouaient, s’amusaient, prenaient plaisir à être ensembles, aimaient les choses simples. Tout simplement. Leur relation à présent n’était qu’un amas d’hypocrisie, de mensonges. Ô grand dieu, pourquoi ne s’avouaient-ils pas simplement qu’une sorte d’attraction d’exerçaient sur eux ? Ils n’étaient pas responsables de ça, après tout. Et, n’était-ce donc pas navrant, de devoir gâcher une si belle amitié pour quelques sentiments ? N’importe qui aurait bien pu répondre que si seulement Lukas, lui, était bien trop fier, pour avouer une quelconque chose qui mettrait en péril son statut de garçon-qui-ne-tombe-jamais-amoureux-et-qui-est-inaccessible. Il faisait entendre à qui le voulait que non, jamais il n’avait éprouvé la moindre attirance pour une quelconque fille. En quelque sorte oui, il nourrissait son image. En se mentant à lui-même.
C’est ainsi que, sourcils froncés et air contrarié collé au visage, Lukas continua sa lecture. Cette Pacetti n’était donc qu’une mauviette et puis, de toute faç…

«Bonsoir Lukas...»

Oh. Mais quelle surprise.
Si inattendue d’ailleurs que, le cœur de Lukas cessa de battre, pendant une ou deux secondes. Dolceane, ici, devant lui. Presque impossible. Lukas releva la tête de son bouquin, simplement pour avoir la certitude, que tout cela n’était pas qu’un effroyable mirage. Et non. Elle ouvrit la bouche, mais la referma, la seconde suivante. Était-elle intimidée ? A cette idée, Lukas ne put s’empêcher de laisser s’échapper un petit rire. Une seconde fois, il la regarda, de haut en bas. Elle était belle. Il aimait tout, de cette petite fleur naïve ; sa bouche brillante, ses cheveux, son doux sourire, et enfin, l’air intimidé, qu’elle arborait en ce moment même. Il avait toujours – quand il la voyait – l’envie de la prendre dans ses bras, de la chérir. Elle semblait si fragile, presque irréelle. Mais bien souvent, il s’en empêchait. Non, il ne pouvait pas. Il était intérieurement convaincu que cette fille n’était pas pour lui. Il lui apporterait d’ailleurs bien plus de problèmes que d’amour. Il la ferait souffrir, en prenant toujours les mauvaises décisions, aux mauvais moments. Parce que oui, Lukas n’était qu’un ingénu en termes de relations amoureuses et de filles. Il savait simplement que, plus il les évitait, mieux il se portait. Il en était donc arrivé – après mure réflexion - à la conclusion suivante : rien ne se passerait entre lui et Dolceane. Clair, net et précis.

Il se leva doucement, murmura un vague ‘bonsoir’ à l’égard de la jeune fille et vint l’inviter à s’assoir sur l’une des chaises, faisant face à la sienne. Puis, il rangea rapidement ses affaires, et se rassit sans le moindre mot. N’importe qui ne le connaissant pas aurait pu le décrire à cet instant comme une personne froide, distante, nonchalante et hautaine mais, il ne l’était pas. Car à ce moment précis, il ne pensait qu’aux mots qu’il emploierait, afin de parler à Dolceane. Concentré, il posa une énième fois son regard sur elle sans attendre une quelconque réaction de sa part. Il n’avait jamais été témoins d’une situation pareille, comment devait-il agir ? Il ne le savait que pas assez. Pourquoi se retrouvait-il toujours, dans des positions pareilles ? Il l’ignorait encore plus. Il soupira, et finit par dire :

« J’ai bien cru, que tu ne viendrais jamais. Ca te fait quel effet, d’enfreindre une règle ? dit-il, un sourire collé aux lèvres. Il reprit son sérieux. Enfin nous avons l’occasion de parler ensembles, Dolceane. Pour une fois que tu n’es pas fourré avec Melvin. »

Le prénom de ce dernier claqua contre le palais du Hansen, avec un mépris considérable.
Il ne les avait vu que quelques fois, ensembles mais, ces quelques fois lui suffisait, pour décréter qu’ils étaient tout le temps fourrés l’un avec l’autre. Malheureusement pour Dolceane, Lukas détestait ce petit ignorant, qu’était Londubat, alors, évidement, il ne lui suffisait que d’entende son prénom pour se mettre en colère. D’ailleurs, il comptait bien prouver à la Pacetti –qui avaient tendance à trainer avec de la racaille selon lui – que, certaines de ses fréquentations n’étaient pas bonnes et, qu’elle devait plutôt l’écouter lui. Parce que oui, d’après ses dires, Lukas était la voix de la sagesse et, il avait tout le temps raison. Le monde tournait apparemment autour de lui et, avait besoin de lui. En effet, l’égo du Hansen était plutôt disproportionné mais, il le vivait bien, voire très bien. Avec assurance, donc, il se lança :

« Tu sais, Dolceane, je constate avec tristesse que, nos liens se dégradent. Je sais, quelle est la raison mais, je veux te l’entendre dire, car toi aussi, tu le sais. »

Ca, elle devait s’y attendre. Elle devait d’abord avouer qu’elle ressentait quelque chose pour le Hansen et, ce n’est qu’ensuite que lui avouerait que ces sentiments seraient réciproques. Ah oui, Lukas ne se mouillait pas si facilement, veuillez bien le croire.